Haut les jupes !
Les origines de la jupe
Dès l’antiquité et jusqu’au Moyen-Âge, hommes et femmes portent des toges ou tuniques. A la différence des hommes, les femmes doivent couvrir leurs pieds et portent ainsi de longues jupes, trainant parfois jusqu’au sol. Progressivement, les hommes remplacent les tuniques et collants par des vêtements plus pratiques, comme les culottes, haut-de-chausses et pantalons. A partir du XVIe siècle en Occident, la jupe devient essentiellement un vêtement féminin.
La jupe s’adapte aux pratiques
Au XIXe siècle la jupe connait ses premières grandes transformations, passant d’une forme plutôt étroite à une forme de plus en plus large. Dans les années 1830-1860, les jupes à crinoline marquent l’apogée des jupes imposantes chez les femmes. Une superposition de jupons, puis l’invention d’une « cage » de cerceaux, donnent à la jupe sa forme volumineuse. L’INPI conserve plus de 200 brevets d’invention relatifs à la jupe entre 1841 et 1901. Parmi ces archives, on trouve notamment un brevet déposé en avril 1856 par Angélique-Caroline Milliet pour une « carcasse indépendante formant jupon ».
D’autres créateurs imaginent des inventions pour retrousser et relever les jupes, afin d’éviter que les femmes ne les salissent lors de leurs déplacements. François-Ildéfonse-Léon Brisse dépose en janvier 1858 un « trousse-jupe ». Il précise dans le mémoire descriptif du brevet : « Les jupes des robes se portent depuis quelques années si longues, qu’elles sont devenues un véritable embarras pour les femmes lorsqu’elles ont à traverser des endroits humides et malpropres, à monter ou à descendre des escaliers et surtout lorsque leurs mains sont déjà occupées à tenir un [châle], un manchon, un paquet etc. Le trousse-jupe donne aux dames le moyen de relever la jupe de leur robe et même leurs jupons et de les maintenir à la hauteur qu’elles désirent ». Marie-Louise Changeur imagine, elle, un système de broche porte-jupe dite « broche anti-macadam », à la fois élégant, pratique et ornemental.
Les jupes restent ainsi essentiellement longues et continuent d’entraver certaines activités des femmes. Des inventeurs imaginent alors des jupes plus courtes, pour la pratique de l’équitation et de la bicyclette notamment.
Le 6 décembre1895, Alice-Louisa Bygrave protège une « jupe perfectionnée pour bicycliste ». Elle précise : « Mon invention a trait à des perfectionnements apportés aux jupes dont les femmes se servent pour monter en bicyclette, elle a pour but de créer une jupe qui pourra se porter aussi bien au moment de la circulation en machine qu’en temps ordinaire pour la promenade ».
Bernard Zeller et Henry Crager créent quant à eux un « système de jupe et de pantalon combinés ». Déposé en juin 1894, le brevet décrit l’invention comme suit : « Notre invention a pour objet un vêtement combiné à l’usage des dames qui présente l’apparence ordinaire des jupes que portent les dames tout en étant combiné avec un pantalon rendant le vêtement propre à être employé pour monter à bicyclette ou à cheval ainsi que pour un usage général ».
Des jupes de plus en plus courtes
Dans les années 1910, les jupes raccourcissent, d’abord à hauteur des chevilles. Puis progressivement, les jupes à mi-mollets puis en-dessous des genoux, font leur apparition.
Jeanne Lanvin va être une des premières créatrices à imaginer des jupes pour femmes plus courtes. L’INPI conserve plusieurs dessins et modèles de ses créations, déposés entre 1916 et 1922, comme le dessin et modèle déposé en février 1916 pour un « Costume tailleur portant le no 12 » ou encore celui datant de février 1922 pour une « robe Diaprée ».
Les deux Guerres Mondiales contribuent également à modifier les tenues des femmes, notamment pour les rendre plus pratiques. C’est le cas par exemple des costumes d’infirmières, comme le modèle déposé en 1929 par l’Association dite « la nouvelle étoile des petits enfants de France ».
La pratique du sport, de plus en plus courante chez les femmes, permet également à la jupe d’évoluer : du patinage au tennis, le costume habituel est peu à peu remplacé par une jupe. Lacoste déposera même en octobre 1972 un modèle de mini-jupe.
Les maisons Chanel et Dior vont elles aussi grandement contribuer à réduire la taille des jupes, des années 1910 aux années 1960. On trouve notamment dans nos archives un modèle déposé par Christian Dior Sarl en 1959, pour un « deux-pièces », ou encore celui d’un « manteau » Chanel, protégé en avril 1923.
D’abord essentiellement représentée dans le milieu du spectacle durant l’entre-deux guerres, la mini-jupe aussi appelée « jupette » est popularisée par la stylise Mary Quant dans les années 1960. Elle imagine en effet une « mini-jupe pour les femmes qui doivent courir derrière un bus ». En France, c’est André Courrège qui s’empare de ce nouveau type de vêtement et en fait l’objet phare de sa collection de 1965. Mais le premier dépôt d’un modèle portant la désignation de « Mini-jupe » à l’INPI intervient en 1966 : il s’agit d’un dessin et modèle déposé par René May et Miss Dif.
La mini-jupe devient rapidement le symbole de la libération du corps des femmes, dans une société marquée par la libération sexuelle. Qualifiée volontiers de « provocante », choquante, sexy, le port de la mini-jupe s’oppose à l’ordre établi et au conservatisme.
Des jupes pour tous les goûts
Dans les années 70, la mini-jupe côtoie d’autres modèles comme la jupe bohême et la jupe midi. De nouveau longues, ces jupes en forme de trapèze s’arrêtent aux mollets et découvrent les chevilles des femmes.
Les années 80 sont extravagantes : couleurs pop, fluos, et motifs excentriques font leur apparition, la mini-jupe revient à la mode et en 1984, Jean-Paul Gaultier promeut une mode unisexe, où les hommes portent des jupes.
Fin des couleurs vives dans les années 90, au profit d’une mode plus minimaliste et grunge. Les jupes courtes voire très courtes coexistent avec des modèles plus long destinés au bureau. La fin du XXe siècle voit également apparaitre une combinaison surprenante : la jupe-sur-le-pantalon, à l’exemple du dessin et modèle déposé en novembre 1998 par Megaprice International SARL.
Enfin, la jupe en jean ceinturée s’impose dans les garde-robes des années 2000, comme celle conçue par Gilbert Richardière et déposée à l’INPI mai 2006.
Reflet des changements sociaux et politiques, mais aussi indice de la place des femmes dans l’espace public, la jupe a su évoluer avec son temps pour devenir une pièce iconique et incontournable. Sans cesse réinventée, on l’aime courte, longue, fleurie, unie, en jean ou en soie, avec des poches ou une ceinture, au bureau et à la plage.