Wriha au service de l’enfance handicapée
L’histoire a commencé à des milliers de kilomètres de France. En Colombie, Mauricio Ortiz étudie l’ingénierie mécanique et le design industriel. Il se rend pour sa thèse dans un institut de rééducation enfantine de Bogota spécialisé dans la rééducation fonctionnelle et constate à quel point la manipulation d’objets permet à l’enfant de progresser rapidement dans son autonomie. Tirant parti de sa double compétence, il imagine alors un objet à la fois ludique et esthétique pour aider à la rééducation du poignet d’enfants atteints d’une incapacité motrice d’origine cérébrale. L’objectif : transformer les séances de thérapie en moments de jeux. « Pour le design, j’ai utilisé des couleurs vives et des formes d’animaux ; pour la partie mécanique, j’ai mis au point une technique qui permet de stimuler les quatre mouvements du poignet : extension, flexion, déviation cubitale et radiale », explique-t-il.
Ce beau projet d’étudiant va prendre une dimension entrepreneuriale. En effet, dans le cursus suivi par le jeune homme, les quatrième et cinquième années de scolarité peuvent être effectuées à l’étranger. Mauricio Ortiz choisit la France et le parcours de création d’entreprise proposé par l’INSA de Toulouse. Il teste son idée lors de concours de design ou d’aide à la création d’entreprise. « Les retours positifs obtenus m’ont conforté dans le potentiel de mon projet », raconte-t-il.
Un brevet pour crédibiliser son projet
Mais deux défis de taille se posent à l’aspirant entrepreneur : le financement et la crédibilité à acquérir dans le milieu médical pour un tel produit. À la fin de ses études, le jeune ingénieur doit gagner sa vie. Il commence à travailler pour Airbus puis part en Chine dans une agence de design basée à Shanghai. Au moment du renouvellement de son contrat, il est placé devant un dilemme : doit-il poursuivre sur cette voie dans laquelle il mène un travail reconnu et apprécié... ou revenir à son projet entrepreneurial ? L’obtention d’un prix lors d’un concours d’aide à la création d’entreprise le fait revenir en France et le convainc de mettre son énergie au service de son innovation. Il est accepté par l’Incubateur de Midi-Pyrénées et reçoit une première enveloppe budgétaire. Celle-ci lui permet de déposer en 2011 un brevet sur la partie technique et le modèle esthétique. « Le brevet me donnait la crédibilité nécessaire pour prouver à la communauté médicale le caractère innovant et efficace de l’objet », explique Mauricio Ortiz.
Fin 2012, le pari est gagné : son produit est intégré dans la plateforme d’évaluation des dispositifs médicaux du CHU de Toulouse. Parallèlement, la toute jeune entreprise baptisée Wriha — une contraction de l’anglais « wrist » et « hand » — est désormais accompagnée et soutenue par la BPI. Le prototype utilisé est optimisé et un protocole d’étude est engagé auprès de patients ciblés.
Objectif monde !
Wriha, multiculturel depuis ses débuts, entend bien conquérir les marchés internationaux. Avec cet objectif en tête, Mauricio Ortiz bénéficie en 2014 du programme Erasmus Entrepreneurs, un programme d’échanges transfrontaliers. Il noue alors des relations approfondies avec des distributeurs de matériel médical en Allemagne... et se rend compte de l’urgence qu’il y a à protéger son produit en dehors de France. « Quand je suis rentré en France, j’ai aussitôt procédé à un dépôt de brevet communautaire, puis à une extension pour le territoire américain, raconte-t-il. J’ai alors pu communiquer avec plus de sérénité dans le cadre de foires et de salons. » En tout, un budget de 30 000 euros sur les 200 000 issus de diverses levées de fonds a été dédié à la question de la protection industrielle.
Crowdfunding et industrialisation
Les premiers produits testés dans les centres de rééducation remportent l’adhésion du personnel médical, des enfants qui comprennent immédiatement comment fonctionne l’objet, et de leurs parents. Ce succès donne à Mauricio Ortiz l’idée de lancer deux campagnes de crowdfunding en 2015 et 2016. L’objectif est à la fois de récolter des fonds supplémentaires pour lancer la phase d’industrialisation, mais aussi et surtout de continuer à faire connaître l’objet auprès des parents et proches d’enfants concernés. « Le produit, présenté sous la forme d’un kit dans une valise qui comporte tous les éléments nécessaires, peut être acheté à l’unité et utilisé à la maison », souligne le jeune entrepreneur. Le prix de la valise est fixé à 450 euros HT. Cinquante valises ont été achetées lors de ces campagnes qui ont rapporté 9 000 euros. La preuve selon Mauricio Ortiz que son concept fonctionne.
Reste à lancer le processus d’industrialisation, en utilisant un processus de moulage en acier. C’est l’objectif de cette année 2017 pour Wriha. Sept ans après l’élaboration de la première version de son produit, Mauricio Ortiz touche au but. « Ce fut un parcours long, mais qui me rend heureux et que je ne regrette pas un seul instant », souligne-t-il. Il a d’ailleurs été invité récemment au Parlement européen pour témoigner de son aventure entrepreneuriale auprès de députés et d’investisseurs potentiels. Une belle consécration pour le jeune ingénieur colombien.