La renaissance d'une marque émotionnelle : Mako Moulages

Surfant sur la mode des loisirs créatifs et la nostalgie des trentenaires-quadras pour les marques de leur enfance, Agnès Beuchet a relancé en 2014 les fameux coffrets Mako Moulages. Une aventure industrielle et juridique puisqu'il lui a fallu se plonger dans les méandres de la reprise de marque.

La génération Mako

Tout commence en 2013. Agnès Beuchet, trentenaire parisienne, travaille dans une agence de communication et de marketing depuis une quinzaine d'années. L'envie d'entreprendre et de créer la taraude. Un jour où elle prépare une étude sur les marques mythiques de notre enfance, elle tombe sur le nom de Mako Moulages. Immédiatement lui reviennent en mémoire les heures passées à fabriquer ces petites figurines, l'odeur du plâtre, les moules en latex rouge, et la satisfaction lorsqu'apparaissent enfin animaux, personnages et autres créations. Elle se renseigne : la marque Mako Moulages appartient toujours à une grande société de jouets mais les produits ne sont plus commercialisés depuis les années 1990. Elle se rend sur des forums Internet et découvre un « potentiel émotionnel intact ». « Nombreux étaient les parents dans ma génération qui parlaient avec nostalgie de Mako et déploraient que ces jouets n'existent plus sur le marché », raconte-t-elle. Pourquoi ne pas relancer cette société ? Pendant un an, Agnès Beuchet peaufine son projet. Avec l'aide de la Chambre de commerce et d'industrie de Nanterre, elle décroche des financements — dispositif Nacre (prêt à taux zéro pour les demandeurs d'emploi) et prêt d'honneur. Elle part également sur les traces des anciens fabricants des différents composants des figurines, plâtre, peinture et moules en latex. Avec eux, elle élabore des estimations de prix et de volume en ayant la volonté de garder une production 100 % made in France « pour maîtriser la fabrication de bout en bout et vérifier la qualité », souligne-t-elle. Une exception dans cet univers des jouets mondialisé.

La reprise de marque

Mais tout cela restera vain si la jeune entrepreneure n'arrive pas à récupérer la marque. Aidée par un avocat spécialisé, Agnès Beuchet procède en plusieurs étapes comme le veut le protocole en la matière. En 2013, elle envoie une lettre à l'amiable à la société détentrice pour expliquer son projet. Elle déclenche ensuite une procédure de déchéance de marque pour défaut d'exploitation au tribunal de grande instance. Ses arguments sont solides : la marque n'est plus exploitée depuis plus de cinq ans et la jeune femme manifeste un intérêt réel et sérieux pour une activité future similaire, deux conditions nécessaires pour que la déchéance soit prononcée. Néanmoins, l'objectif n'est pas d'aller jusqu'au bout du processus : déchoir la marque de ses droits, c'est en effet comme repartir de zéro. Une autre société titulaire d'une marque similaire pour des produits se rapprochant des fameuses figurines aurait alors pu s'opposer à son projet. L'objectif est en réalité de trouver avant un compromis qui permette à Agnès Beuchet de « conserver l'antérorité et l'historique liés à Mako Moulages » précise-t-elle. C'est chose faite début 2014 puisqu'un accord est signé avec la société détentrice du titre qui permet à Angès Beuchet de récupérer la marque Mako Moulages. Dès lors, elle peut enfin créer son entreprise : elle la baptise Mako Créations dans l'idée d'avoir ce qu'on appelle en marketing une « marque ombrelle » sous laquelle différentes « marques filles » pourront vivre. Ses premiers produits sortent de l'usine en juin 2014 et des grandes enseignes de jouets se montrent très vite intéressées. Ainsi 350 000 produits sont écoulés la première année, le double en 2015, notamment grâce à la modernisation et à l'élargissement de la gamme.

Sortir du moule

Cette année, Agnès Beuchet s'attèle à étendre le rayonnement de la marque. D'une part avec la création d'une nouvelle marque tendance "do it yourself" : mako déco, qui permet aux petits et aux grands de créer des objets de décoration tels que bougeoirs, cupcakes, coeurs, etc. D'autre part, la dirigeante envisage de se développer à l'international. Elle a d'ailleurs préparé le terrain en signifiant à l'OMPI (l'Organisation mondiale de la propriété intellectuelle) le changement de propriété de cette marque internationale. Elle devrait aussi recruter du personnel pour l'accompagner dans ces évolutions. Enfin, elle note qu'il lui faut rester vigilante face à la concurrence féroce : « Je vois souvent des sociétés qui essaient de proposer des produits très proches de ce que fait Mako Créations. Une veille sur les questions de propriété intellectuelle est indispensable. » Après la bataille pour la reprise de Mako Moulages, il lui faut donc mener maintenant de front la défense et l'extension de la marque. Ou comment garder un pied dans l'enfance et l'autre dans le futur.