Asobo Studio : « Nous protégeons systématiquement toutes nos marques au niveau mondial »

Dans notre série sur le rôle de la propriété intellectuelle dans la croissance des start-up, rencontre avec Asobo Studio, un développeur français de jeux sur consoles et PC. En 2017, la start-up a créé une branche d’activité, HoloForge Interactive, qui propose des solutions holographiques pour les entreprises. Sébastian Wloch est cofondateur et co-gérant d’Asobo Studio.

Dans l’industrie extrêmement compétitive du jeu vidéo, comment maintenez-vous une politique d’innovation constante ?
Sébastian Wloch
 : Le réflexe normal dans une entreprise est de se demander ce que l’on peut proposer à partir de la technologie disponible. Nous raisonnons à l’inverse : nous avons une idée de jeu ou de design, et nous essayons de trouver la solution technique qui la rend réalisable. Généralement, lorsqu’on expose notre idée aux ingénieurs, ils commencent par nous dire : « c’est impossible ! ». Mais je suis un hyper optimiste. Je sais que quelques jours après, ils auront mis au point des premières solutions. C’est ainsi que nous avons par exemple conçu des personnages holographiques qui interagissent avec le monde réel. 

À quels enjeux de propriété industrielle êtes-vous confrontés ?
S. W. 
: Dans le monde réel, il suffit de démonter une machine pour comprendre son fonctionnement et la reproduire. Dans le monde virtuel, c’est plus compliqué. Avec leurs milliards de lignes de code, les logiciels sont très hermétiques. Les seuls jeux qui ont tendance à se faire copier sont ceux qui sont produits sur les mobiles, car il s’agit d’applications ou de logiciels beaucoup plus simples. De plus, nous avons conçu notre propre moteur, une sous-couche technologique « maison » que nous utilisons pour tous nos programmes. Cela nous évite de dépendre d’autres acteurs du marché et renforce la spécificité de nos produits. Nous devrions néanmoins déposer des brevets cette année pour protéger nos innovations récentes. Quant à la création et la propriété intellectuelle de nos jeux en interne, notre organisation en projet nous permet de nous inscrire systématiquement dans le cadre de l’œuvre collective. 

Le secteur du jeu vidéo a-t-il une culture spécifique par rapport à ces enjeux de propriété industrielle ?
S. W. 
: Il est vrai que les acteurs du secteur ont tendance à publier beaucoup de leurs inventions, ou à utiliser des outils open source. Ils protègent généralement plutôt le matériel ou les télécoms que leurs jeux en tant que tels. Nous avons remarqué que des internautes créatifs se servaient parfois de nos marques ou de nos modèles sans demander d’autorisation, par exemple en « empruntant » un personnage. Nous intervenons à ce moment-là pour les rappeler à l’ordre. Généralement, cette simple notification suffit. C’est la raison pour laquelle nous protégeons systématiquement toutes nos marques. Le périmètre choisi est mondial : la France ne représente que 5 % de notre marché, qui se trouve pour moitié aux États-Unis.