Le laboratoire BiiGC révolutionne les greffes de la cornée

Le laboratoire d’ophtalmologie universitaire rhône-alpin BiiGC focalise ses recherches sur la cornée et désormais le cristallin avec une obsession : le transfert au patient via l’industrie. Le BiiGC est ainsi à l’origine de deux innovations de rupture majeures dans ces domaines. Rencontre avec le professeur Philippe Gain, directeur du laboratoire et chef du service d’ophtalmologie au CHU de Saint-Étienne.

> Quelle est l’activité de votre laboratoire en quelques mots ?
Philippe Gain : Le professeur Gilles Thuret et moi-même avons créé le laboratoire BiiGC il y a une douzaine d’années au sein de l’Université Jean Monnet de Saint-Étienne. Nous focalisons nos recherches sur la cornée et le cristallin avec une obsession : la translation au patient via l’industrie. Nous sommes avant tout des soignants, et plus que des chercheurs, nous nous devons d’être des « trouveurs ». Il faut que l’on trouve pour les patients que l’on opère au CHU. Petit et agile, notre laboratoire réunit autour de l’ophtalmologie des chercheurs de multiples horizons (biologie cellulaire, optique, imagerie, ingénierie, lasers, anatomo-pathologie, biomédical, etc.) et fédère les forces vives locales (laboratoire Hubert Curien, Manutech, École SupOptique, Écoles des Mines, Télécom, etc.). Notre laboratoire est ainsi à l’origine de deux innovations majeures. L’une sur la conservation des greffes de cornée. L’autre sur la chirurgie de la cataracte. Des avancées qui ont donné naissance à une spin-off et une start-up dédiées, respectivement SINCLER et KERANOVA. Enfin, nous lançons la Station O qui a déjà attiré des MedTech du monde entier travaillant sur la cornée ou le cristallin. KEJAKO, une start-up développant une technologie laser non invasive pour retarder la presbytie, vient d’ailleurs de s’y installer. Je tiens à dire que toutes nos initiatives n’auraient pas été possibles sans le soutien de notre université, de Saint-Étienne Métropole et des collectivités locales. C’est pour cela que je tiens à ce que les activités que nous mettons en place restent dans la région.

> Que représente pour vous cette nomination aux Trophées INPI ?
P. G. 
: Cette nomination aux Trophées de l’INPI contribue à valoriser nos recherches et à porter haut et loin les couleurs de notre belle France, une France qui innove, et plus particulièrement celles du « peuple vert ».

> Vous êtes nominé dans la catégorie Recherche, en quoi votre stratégie de propriété intellectuelle est-elle un levier de croissance ?
P. G. : L’octroi de licences exclusives sur nos brevets nous a déjà permis de faire naître une spin-off et une start-up, avec 32 emplois à la clef. SINCLER, grâce à un bioréacteur innovant, va revisiter la conservation des greffes de cornée et augmenter considérablement leur longévité chez le patient. KERANOVA, grâce à un procédé laser innovant, ultrarapide et robotisé, va révolutionner la chirurgie de la cataracte en supprimant 80 % du geste manuel, offrant ainsi l’égalité des chances aux patients à n’importe quel endroit du monde. Nous allons également continuer à déposer d’autres brevets, et d’autres start-up ou spin-off vont voir le jour pour améliorer la vue de centaines de millions de patients. Dans cette logique, la PI est donc très importante. Le moindre projet émanant de nos travaux est susceptible d’être valorisé. À ce titre, nous protégeons toute découverte valorisable systématiquement et au plus vite. Un laboratoire de recherche doit publier, c’est certes un critère de jugement, mais cela ne devrait pas être le plus important. On devrait plus juger la valeur d’un laboratoire au nombre de ses brevets licenciés et surtout aux transferts technologiques réalisés. Dans nos pratiques PI mises en place, nous ne publions qu’après avoir protégé nos résultats de recherche, et nos thèses de sciences sont désormais réalisées en huis clos et interdites de diffusion pendant 30 ans. On ne réalise en effet pas toujours tout de suite qu’une idée peut être magnifique et qu’elle peut trouver un développement !

> Avez-vous un conseil à donner à des entrepreneurs et à des chercheurs ?
P. G.
 : Je n’ai pas de conseil à donner à des entrepreneurs car je ne le suis pas moi-même : pour les start-up qui ont vu le jour à partir des travaux de notre laboratoire, nous choisissons des dirigeants haut de gamme, leur faisons confiance et n’interférons pas sur la suite des développements. Je conseillerais simplement aux chercheurs de ne surtout pas imaginer qu’ils vont diriger les sociétés qu’ils contribuent à créer. À chacun son métier. De manière générale, j’ajouterais que, quelle que soit son activité, il faut regarder loin et haut, travailler sans relâche, et que c’est en étant enthousiaste que l’on attire des talents autour de soi.