Lancer sa marque : les bonnes questions à se poser

Comment créer une marque ? Comment choisir un nom ? Il n’existe pas de réponse unique et universelle... Mais un ensemble de bonnes questions à se poser avant de se lancer.

Une marque est porteuse de sens. Elle distingue un produit ou service d’un autre. Elle est une inépuisable source de valeur. Il convient donc de bien réfléchir à son concept et son nom avant de se lancer. Nous avons demandé à quatre experts les questions qui leur semblent essentielles de se poser. Merci à Frédéric Canevet, créateur du blog Conseils Marketing ; Pascal Chauvin, spécialiste de la communication des TPE/PME et directeur de l’agence Xyloon ; Juliette Eskenazi, fondatrice de Poussin Communication, agence dédiée aux jeunes et petites entreprises ; et Cyril Gaillard, directeur de Benefik, agence de création de noms de marque. 

> D'après vous, comment préparer le terrain et quelles questions se poser avant de se lancer dans la création d'une marque ?
Frédéric Canevet (F. C.)
 : Il faut bien définir son concept et l’univers de la marque. Pour ça, il faut réfléchir à ce que j’appelle la « mission » que l’on s’est attribuée : pourquoi avoir créé son entreprise ? Que cherche-t-on à apporter ? Que veut-on changer sur son marché ?
Une fois que l’on a le cadre, on peut affiner le contenu : l’histoire, le positionnement, les références externes à l’entreprise (figures mythologiques, modèles, etc.) et l’image que l’on souhaite donner. Il faut aussi bien sûr se demander qui seront nos clients. Une fois toutes ces indications écrites sur papier — c’est très important pour clarifier sa pensée ­—, on peut commencer à réfléchir à la marque proprement dite et à son nom.

Juliette Eskenazi (J. E.) : Pour moi, la question essentielle est celle de la cible : à qui je m’adresse ? Et la réponse ne peut pas être « à tout le monde » ! Identifier sa cible revient finalement à répondre à une série de questions : qui a besoin de mes produits ? Qui a le budget pour les acheter ? Qui sont mes concurrents ? Et quelle valeur ajoutée puis-je apporter ? Sachant que lorsque l’on arrive sur un marché, soit on innove totalement, soit il faut trouver comment réinventer ce qui existe déjà, c’est-à-dire se distinguer.

Pascal Chauvin (P. C.) : Je dirais moi que la question majeure est celle de l’objectif. Les chefs d’entreprise pensent souvent d’abord aux outils. Il faut résister à l’envie ou au besoin de faire comme tout le monde et se demander « Pourquoi moi je vais le faire ? À quoi est-ce que ça va me servir ? ». Penser en amont au retour sur investissement permet de mesurer ses objectifs et de mettre en place des indicatifs. En amont de tout projet, il faut donc prendre un temps à la fois pour l’introspection et le benchmarking. Sachant que plusieurs outils peuvent aider à affiner son concept : le SWOT, où l’on détermine les forces et faiblesses, les opportunités et menaces. La vision : c’est un exercice de projection concret avec des jalons datés et chiffrés — par exemple : combien de clients souhaités à 3 ans. Et enfin la formule de Quintilien : qui, quoi, comment, pourquoi ? Tout ça permet de bien formaliser son projet.

SYNTHÈSE DES QUESTIONS À SE POSER EN AMONT DU PROJET

- Quel est l’objectif de mon projet et de ma marque ?
- Qui sont mes clients ?
- En quoi ma marque leur parle-t-elle et répond-elle à leurs besoins ?
- Qu’est-ce que je leur propose de différent ? Un produit ou service ? Une façon de faire ? Une façon d’être ?
- Qui sont mes concurrents ? Comment se positionnent-ils ? Quel est leur territoire d’expression ?

> Une fois le projet bien défini ou déjà établi, comment trouver un nom de marque ?
Cyril Gaillard (C. G.)
 : On rejoint la première question car c’est aussi la réflexion sur la stratégie et sur l’histoire que l’on veut raconter qui oriente la recherche de nom. S’interroger sur des modèles et des anti-modèles peut aider : on s’aperçoit très vite que ce qu’on aime ce n’est pas tant le nom de la marque que ce qu’il a derrière. Si on aime Michel et Augustin ou Shosh, ce n’est pas la même chose qu’Audi. Après, on peut distinguer trois types de noms : descriptifs — ils sont souvent choisis par les entreprises mais peuvent poser des problèmes juridiques car tout ce qui est générique n’est pas déposable —, évocateurs ou décalés. Je prône résolument cette dernière catégorie, à condition bien sûr qu’il y ait une histoire et une stratégie de marque derrière. D’autant que le nom n’est qu’un des éléments clés de l’identification : il y a aussi le logo et la signature. Je recommande d’avoir plusieurs noms en stock avant de vérifier leur disponibilité, de trancher et évidemment d’en déposer un.

F. C. : Oui, sachant qu’avant de regarder ce que font les concurrents ou même de travailler en groupe, je pense qu’il faut commencer par réfléchir seul pendant au moins deux heures à des idées de noms en laissant libre court à sa créativité. Des outils peuvent aider comme les Mind Mapping (des modèles sont téléchargeables), des générateurs de mots clés (SEMrush ou Google Keyword Panner) ou même des dictionnaires de synonymes.

J. E. : Pour le nom en tant que tel, il vaut mieux qu’il soit court, mémorisable, simple et facilement prononçable. Il a une influence certaine car plus on a un nom porteur, dont l’univers est déclinable, plus la communication est facile et marquante. Mais si le nom est important, il faut avant tout penser marque ! Parfois, des entrepreneurs créent une entreprise sans penser à créer une marque. C’est un vrai manque de stratégie qui fait perdre du temps, de l’argent et de l’énergie. Il faut absolument oser créer son propre monde, le traduire avec un univers fort (en termes de visuels et de mots) et le développer à fond ! En ce qui me concerne, ma marque, « Poussin », est liée à quelque chose de personnel au départ : c’était mon surnom petite et à l’époque où je cherchais un nom pour mon agence, une amie m’a appelée en m’appelant « poussin », ce qui a fait tilt. C’était cohérent avec ma cible et mes services et j’ai vu toutes les déclinaisons possibles au niveau du territoire d’expression.

SYNTHÈSE DES QUESTIONS À SE POSER AU MOMENT DE CHOISIR UN NOM

- Le nom est-il en cohérence avec mon concept de marque ?
- Comment vit-il avec les autres éléments de l’identité (logo, signature) ?
- Cette identité me distingue-t-elle bien de mes concurrents ?
- Ce nom peut-il s’exporter ? Est-il facilement prononçable et mémorisable ?

> Au-delà des démarches administratives, avez-vous des conseils et astuces concernant la phase de dépôt de marque ?
J. E
. : Déjà, il faut (re)dire combien il est important de déposer sa marque, parce que le jour où on se lance, si un concurrent dépose « notre » marque, c’est fini ! À part ça, je recommande de déposer à la fois le nom et le logo, voire d’y associer un slogan, pour optimiser les coûts et être cohérent.

F. C. : Une fois que l’on pense avoir trouvé le bon nom, je conseille d’attendre le lendemain afin de faire « reposer » l’excitation. Il faudra alors valider que le nom de marque réponde bien au concept ; vérifier avec des prospects ou clients si les deux sont compris ; et bien sûr s’assurer sur le site de l’INPI qu’il n’existe pas déjà une marque du même nom ou similaire. Il ne faut pas oublier non plus de vérifier la disponibilité du nom de domaine. Dans le cas où on n’arrive pas à départager deux noms de marque, on peut toujours tester les deux via une publicité Google Adwords ou Facebooks Ads pour voir lequel est le plus cliqué.

P. C. : À propos du nom de domaine, il faut bien vérifier qu’il soit disponible à la fois en .com et .fr. Une recherche sur Google permet aussi de voir s’il n’y a pas trop de noms approchants pour s’assurer que le sien remonte bien. Quant au dépôt lui-même, je conseille de le faire dans plusieurs classes, au moins trois pour être tranquille, et de déposer dans les pays où on veut être présent même à moyen ou long terme — en s’assurant donc au préalable que ce nom est bien disponible aussi dans le(s) pays en question.

C. G. : J’ajouterai que non seulement il faut vérifier que le nom choisi ne soit pas déjà utilisé mais aussi qu’il ne renvoie pas, même par similitude, à quelque chose d’existant ou pire de négatif. En plus du nom de domaine, on peut aussi vérifier qu’il n’existe pas une application du même nom. Quant au timing, il ne faut pas hésiter à déposer en amont son nom de marque et déployer plusieurs mois plus tard les outils de communication.

SYNTHÈSE DES QUESTIONS À SE POSER AU MOMENT DU DÉPÔT

- Le nom est-il suffisamment distinctif ?
- N’y a-t-il pas de noms similaires enregistrés comme marques ? Ou sur Internet ?
- Le nom de domaine est-il disponible en .com et .fr ?
- Le nom est-il déposable en France ?
- Est-il disponible dans d’autres pays que je vise ?
- Dans quelles classes le déposer en fonction du concept et des objectifs à moyen et long terme ?
- Mon logo est-il prêt pour le déposer en même temps ?