Wandercraft ou l'art de se promener...

Interview d'Alexandre Boulanger, directeur général de la jeune start-up française Wandercraft à l'origine d'un exosquelette potentiellement révolutionnaire.

Wandercraft est la conjugaison des deux termes anglais « to wander » et « craft », soit l'art de se promener. Et la jeune entreprise française pourrait effectivement révolutionner au niveau mondial les aides à la mobilité pour personnes handicapées : son exosquelette, encore au stade du prototype, permet à l'utilisateur de se maintenir debout et de marcher à une vitesse normale, sans assistance ni béquilles. Alexandre Boulanger,  Directeur général, nous raconte l'aventure entrepreneuriale de cette TPE prometteuse de 18 salariés dont les co-fondateurs n'ont pas encore 30 ans.

> Comment est née Wandercraft ?

Nous étions encore étudiants à Polytechnique, en dernière année, pour ce qu'on appelle l'année d'application qu'on réalise à l'extérieur de l'école. J'ai un profil de conception mécanique et je m'apprêtais à devenir ingénieur dans l'aéronautique. Nicolas Simon [le Président de Wandercraft] est lui passionné de robotique et il connaît le problème du handicap dans sa famille. Il a décidé de créer quelque chose pour faire marcher ces personnes. Il a regardé ce qui existait sur le marché et s'est dit qu'on pouvait faire mieux. Le défi technique m'intéressait tout comme l'idée d'être responsable de ma propre entreprise et de l'emploi de plusieurs personnes. Nous nous sommes lancés début septembre 2011.

 

> Vous aviez 23 ans et aucune expérience, ce n'était pas un peu risqué ?

Justement, autant se lancer jeune : on n'est pas établi, on n'a rien à perdre, c'est le moment de prendre des risques ! Et puis nous avons fait les choses progressivement en commençant très tôt par des concours d'entrepreneuriat, proposés par des organismes publics ou des écoles d'ingénieur en partenariat avec de grands groupes. Nous en avons gagné plusieurs*.

 

> Que vous ont concrètement apportés ces concours ?

Ça nous a rapporté un peu d'argent pour démarrer, quelques milliers d'euros. Mais aussi de l'expérience sur toute la partie commerciale et marketing pour laquelle nous n'étions pas du tout formés. Le fait de devoir pitcher, de se présenter devant des professionnels permet de s'améliorer et d'apprendre sur le tas. Après ces premiers concours, nous sommes allés voir des business angels, notamment Xavier Niel et Marc Simoncini. Et enfin des investisseurs professionnels. Notre première levée de fonds en 2013 nous a permis de récolter
700 000€. Tout comme la dernière de 750 000€ en juin 2015 avec un industriel de la robotique (Groupe ECA) ainsi que du crowdfunding.

 

> Ce sont des montants assez conséquents pour une jeune entreprise, quelles sont vont principales dépenses ?

Le matériel pour nos prototypes demande bien sûr un certain investissement mais le plus gros poste reste les salaires – nous avons besoin de gens excellents, ils ont un coût. Nous sommes montés progressivement en puissance pour atteindre aujourd'hui 18 salariés.

 

> Existe-t-il d'autres dispositifs qui vont ont permis d'acquérir de l'expérience ?

Nous avons obtenu des subventions publiques (Banque publique d'investissement et Centre francilien de l'innovation). Nous faisons aussi partie de deux réseaux d'entrepreneurs : Scientipôle Initiative et Réseau Entreprendre qui nous ont apporté de l'accompagnement, des contacts ainsi que des prêts d'honneurs.

Le fait de passer par des incubateurs est important au début. On est coaché par des professionnels et on est dans un environnement stimulant : même si on ne travaille pas sur les mêmes projets, on partage avec les autres start-ups les mêmes problématiques de création d'entreprise. Et puis, ça permet d'avoir un bureau ! Notre premier bureau faisait 9m2 et ça nous a changé la vie ! Plus généralement, l'aide aux entreprises innovantes est un vrai atout en France. Sans oublier notre niveau de recherche par exemple en mathématiques pour ce qui nous concerne.

 

> Venons-en à votre exosquelette « Atalante » : quelles sont ses particularités par rapport aux concurrents  ?

Les exosquelettes existants ne gèrent pas l'équilibre de la personne. Celle-ci doit donc avoir des béquilles, elle n'a donc pas les mains libres et doit en plus se concentrer en permanence sur son équilibre. Nos concurrents ont de l'avance puisque certains exosquelettes sont déjà certifiés et en vente mais nous apporterons une valeur ajoutée supérieure avec Atalante. En fait, nous utilisons des algorithmes de marche développés pour des robots humanoïdes mais nous les appliquons à notre exosquelette. Les personnes handicapées pourront donc se lever, s'asseoir, se maintenir stable et marcher à une vitesse normale sans béquilles.

 

> Vous avez déposé plusieurs brevets, des marques et mêmes des dessins et modèles pour protéger le design de votre exosquelette. Est-ce que vous vous êtes fait aider ou conseiller ?

Nous avons été très vite sensibilisés à la nécessité de protéger notre invention. D'autant qu'en faisant des recherches sur nos concurrents, nous avons vu qu'ils avaient leurs propres brevets. Nous avons donc assez tôt regardé ce qui était brevetable et nous avons fait appel à un cabinet, conseillé d'ailleurs par un incubateur.

 

> Et où êtes-vous exactement dans le processus de mise sur le marché ?

Nous en sommes au stade du prototype avancé. Nous commencerons les essais cliniques fin 2016 pour un marquage « CE » [qui matérialise la conformité d'un produit aux exigences communautaires] et donc une mise sur le marché en 2017.

 

> Pour conclure, est-ce que vous recommandez cette aventure entrepreneuriale ?

Oui ! Je ne pourrais pas être plus heureux dans ma vie professionnelle que ce que je fais maintenant. Il y a évidemment le défi technique mais c'est aussi super intéressant de créer son entreprise. Je fais des choses différentes chaque jour : de la propriété intellectuelle, de la stratégie d'entreprise, du recrutement, du développement technique, des partenariats de recherche, etc. Le tout, c'est de savoir s'entourer et se faire conseiller par des gens d'expérience même si, de fait, on apprend aussi beaucoup sur le terrain...

 

* Wandercraft a été lauréate des concours suivants : Prix du Tremplin entreprises Essec - Sénat 2015 / Prix de l'innovation sociale en Essonne / Prix du concours mondial d'innovation / Prix Edf Pulse / Prix Zodiac aerospace / Prix du concours de l'incubateur de l’École Centrale Paris / Prix Total Edhec entreprendre.