Expressions Aromatiques goûte la saveur d’un dépôt de brevets

Créée en 1999 par Éric Girone, cette PME de 70 collaborateurs présente dans plus de 60 pays conçoit, développe et distribue des arômes alimentaires utilisés dans les industries agroalimentaires et pharmaceutiques. Elle réalise un chiffre d’affaires de 16 millions d’euros, dont 90 % à l’export. En 2015, elle a déposé un brevet pour protéger un nouveau procédé d’extrusion des arômes, une innovation qui a nécessité cinq années de recherche. Daniel Buisson est le directeur commercial et marketing d’Expressions Aromatiques.

Quel constat a présidé au lancement du processus de dépôt de brevet ?

Daniel Buisson : 95 % de nos arômes sont vendus sous forme liquide. Nous avions déjà développé un outil qui permettait d’obtenir un arôme en poudre « simple mélange », qui s’obtient par le mélange d’une base aromatique liquide sur un support poudre. Comme il n’y a pas d’encapsulation – c’est-à-dire d’enveloppe protectrice – il y a un risque d’oxydation. La perte aromatique est importante, notamment pour les agrumes. Nous avons donc travaillé sur les formulations et les procédés de fabrication d’arômes encapsulés par atomisation et par extrusion. L’atomisation consiste à pulvériser en fines gouttelettes une base aromatique liquide dans une tour de séchage afin de solidifier les gouttelettes pour obtenir une poudre. Le principe aromatique est ainsi encapsulé, c’est-à-dire protégé par un « film plastifiant ». L’extrusion, quant à elle, permet d’encapsuler une base aromatique dans un support poudre par compression dans une filière. Elle permet d’obtenir des granulés solides qui peuvent être utilisés par exemple dans le thé ou le café.

Quelles ont été les grandes étapes de ce processus ?

D. B. : Nous avons commencé par faire l’état de l’art, en examinant tous les brevets déposés depuis 20 ans sur l’encapsulation par extrusion. Pour cela, nous avons demandé à l’INPI de nous accompagner dans cette recherche. Ce travail a permis à notre directeur R&D de définir un axe de différenciation, tant au niveau de la formulation des arômes que du mode opératoire. Nous utilisons par exemple un plastifiant spécifique. Nous avons également mis au point un procédé permettant de réduire la température lors du fonctionnement des machines, car lorsque celle-ci est trop élevée, elle endommage les bases aromatiques. Nous avons ensuite procédé à toute une série de tests, en partenariat avec le laboratoire CEMEF (Centre de Mise en Forme des Matériaux) de l’École des Mines de Paris et avec l’Université de Nice. Pour finir, nous avons déposé le brevet en 2015.

Quelle a été la suite de vos travaux après le dépôt de brevet ?

D. B. : Nous avons fait l’acquisition de deux extrudeuses, un appareil pilote et un appareil pour la production. Nous procédons actuellement aux derniers tests et mises au point, pour une commercialisation prévue au printemps 2018. Ces arômes extrudés auront une DLUO (date limite d’utilisation optimale – NDLR) comprise entre trois et quatre ans, contre un à deux ans pour des arômes atomisés, et à peine six mois pour des arômes en poudre simple mélange. Nous visons en priorité les marchés des thés en sachet et des cafés ; puis nous pensons rapidement diversifier notre offre vers la boulangerie, la pâtisserie, la biscuiterie. L’investissement total pour ces deux extrudeuses est de l’ordre de deux millions d’euros, une somme très importante pour une PME comme la nôtre.

Quelle stratégie en matière de propriété industrielle comptez-vous mener ?

D. B. : La diversification vers d’autres secteurs d’activités occasionnera certainement le dépôt de nouveaux brevets. Par ailleurs, l’accompagnement de l’INPI a également consisté en un audit au sein du département R&D. Nous avons changé certains paramètres de management et mis en place une veille technologique formalisée. Nous avons aussi adhéré au pôle Pass, le pôle de compétitivité Parfums Arômes Senteurs Saveurs. Une manière d’inscrire notre activité dans une filière d’excellence, et de rester à la pointe de l’innovation.