La lettre d'information

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Cet article fait partie des contenus envoyés dans la newsletter Coaching INPI. Cette newsletter a pour objectif de vous informer tous les mois sur des sujets de propriété industrielle.

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Les règles de protection de la propriété intellectuelle

1. Une représentation locale obligatoire pour toutes les procédures

Depuis le 1er janvier 2021, toute procédure liée à la PI (marques, brevets, dessins et modèles) au Royaume-Uni, nécessite une adresse de signification sur le territoire britannique (y compris Gibraltar et les îles Anglo-Normandes).

Concrètement, il n’est plus possible de s’appuyer uniquement sur un représentant basé dans l’Espace économique européen (EEE). Il faut désigner un agent local pour toutes ses démarches.

À noter : cette représentation locale est également valable pour les titres de PI européens, validés au Royaume-Uni.

2. Brevets : plusieurs mécanismes spécifiques

  • Examen accéléré pour les inventions « vertes »

Depuis 2009, si l’invention a un impact environnemental bénéfique, il est possible de demander une accélération de la procédure. Le demandeur doit alors démontrer en quoi son invention est « verte » (environmentally-friendly) et indiquer pour quelles parties de la procédure il souhaite un examen accéléré (Recherche, examen, publication).

  • Recours et tribunaux spécialisés

Les décisions de l’UKIPO (Intellectual Property Office of the United Kingdom) sont susceptibles de recours exclusivement devant la « Patents Court » (juridiction spécialisée appartenant à la « High Court of Justice »). Elle est la Cour de première instance en matière de recours sur les décisions de l’UKIPO ainsi que pour les litiges civils en matière de brevets (contrefaçon, nullité, licences, certificats complémentaires de protection, etc.).

Concernant les litiges de propriété intellectuelle de plus petite envergure, en particulier pour les PME, il existe la « Intellectual Property Entreprise Court » (IPEC) qui permet de traiter les affaires de contrefaçon et de nullité. La procédure est moins lourde, les délais sont plus courts et les coûts sont plus limités que le recours devant la « Patents court ».

  • Opinion préliminaire sur un brevet ou un certificat complémentaire de protection (CCP)

L’UKIPO peut émettre une opinion préliminaire avant la décision finale de l’office, mais postérieurement au dépôt du brevet ou du certificat complémentaire de protection (CCP) si le dossier est complet.

Cette opinion peut être effectuée gratuitement à la demande du déposant, après l’examen initial ou communication préliminaire de l’examinateur. Elle a pour objectif d’orienter le déposant sur la position probable de l’office concernant la validité du brevet, la nouveauté, l’activité inventive ou dans le cas des CCP, l’admissibilité et la durée maximale du titre afin qu’il puisse corriger ou adapter le dossier.

3. Dessins ou modèles : deux régimes de protection sans enregistrement

Le Royaume-Uni propose deux systèmes spécifiques de protection, pour les dessins et modèles non enregistrés :

  • « UK Unregistered Design Right » : il s’agit d’un droit spécifique pour certains dessins ou modèles, qui porte uniquement sur la forme et la configuration de produits en trois dimensions (ex. : emballages). Ce droit est valable jusqu’à dix ans après la première vente ou quinze ans après la première création. Durant les cinq dernières années de protection, le titulaire doit obligatoirement accorder une licence d’utilisation aux personnes qui en font la demande (appelée « licence of right » ).
  • « Supplementary Unregistered Design Right » : il permet de protéger pendant trois ans les dessins ou modèles divulgués sur le territoire britannique. Ce régime de protection porte sur tout type de produit, puisqu’il protège l'apparence d'un produit conférée par ses caractéristiques, tels que les formes, les couleurs, les textures, les matériaux et les ornements.

4. Marques : des règles précises à respecter

  • Preuve d’usage d’une marque : l’UKIPO exige que la demande d’enregistrement d’une marque soit accompagnée d’une preuve d’usage par le demandeur ou d’une déclaration d'intention de l’utiliser pour les produits ou services concernés.
  • Examen d’une marque en deux temps : il est possible de déposer une demande « test » en ne payant que la moitié de la taxe. L’UKIPO communique ensuite le rapport de l’examen de la marque au demandeur lui indiquant si la marque est valide, lui permettant d’évaluer les éventuelles objections avant de décider de poursuivre la demande. Le cas échéant, il doit payer le reste de la taxe (pour atteindre un montant légèrement supérieur à la taxe de dépôt « classique ») dans les vingt-huit jours suivant la réception du rapport. En cas de renonciation, les frais payés ne sont pas remboursés.
  • Dépôt d’une série de marques : il est possible de demander l’enregistrement d’une série de marques (ensemble de marques qui se ressemblent quant à leurs caractéristiques matérielles, qui ne diffèrent que par des éléments non distinctifs et qui n'affectent pas de manière substantielle l'identité de la marque). Il est donc possible d’intégrer jusqu’à six marques dans la même demande. Une série de plus de deux marques est soumise à une taxe supplémentaire de 50 £ par marque.

5. Secret d’affaires : un cadre renforcé

En 2023, le Royaume-Uni a introduit la « National Security Act » qui crée une nouvelle infraction pénale en cas d’appropriation illicite d’un secret d’affaires[1].

Selon l’article 2 de la loi, constitue une infraction pénale le fait pour une personne d’obtenir, de copier, d’enregistrer ou de garder un secret d’affaires, de le divulguer ou d’y donner accès, lorsque la personne en question sait qu’elle n’y est pas autorisée et qu’un lien avec une puissance étrangère est établi. L’infraction peut être commise au Royaume-Uni ou à l’étranger. Si l’atteinte a lieu à l’étranger, elle ne constitue une infraction que si le secret d’affaires est détenu par une « personne du Royaume-Uni ».

6. Intelligence artificielle (IA) : une réglementation en construction

Le Royaume-Uni s’est doté d’un plan stratégique visant à devenir un leader mondial de l’IA d’ici 2030. Ce plan repose sur :

  • La mise en place de régulations souples pour accompagner les évolutions rapides de l'IA ;
  • La transparence des algorithmes et des technologies, tout en favorisant une approche éthique.

En 2025, le gouvernement britannique a mené une consultation sur l’avenir du droit d’auteur face à l’essor de l’IA. L’une des pistes évoquées est d’autoriser, dans certains cas, l’utilisation d’œuvres protégées pour l’exploration de textes et de données (TDM), afin de former des modèles d’IA sans devoir obtenir de licence préalable. Cette idée est néanmoins controversée.

7. Action de « passing off » : agir sans titre enregistré

Le mécanisme de « passing off » est une action juridique en Common Law (équivalent des actions en concurrence déloyale). Il vise à empêcher les présentations de produits trompant le public. Pour qu’un recours en « passing off » soit accepté, il faut démontrer trois éléments[2] :

  • « Goodwill » ou atteinte à la réputation ;
  • Fausse représentation du produit ou risque de confusion ;
  • Présence d’un dommage, préjudice.

Cette action ne nécessite pas de titre enregistré (contrairement aux actions en contrefaçon) et s’applique à tous les titres de PI (droit d’auteur, marques, dessins et modèles, brevets) ainsi qu’aux noms commerciaux. Concernant les brevets, cette action est rarement utilisée pour contester la contrefaçon d’un brevet sauf si le brevet confère une réputation commerciale liée à la manière de présenter le produit.

En résumé

Le Royaume-Uni a su conserver une forte cohérence avec les règles européennes de PI, tout en développant ses propres mécanismes. Pour les entreprises françaises souhaitant y protéger leurs actifs, il est essentiel de :

  • Désigner un représentant local ;
  • Veiller à l’usage effectif de ses marques ;
  • Ne pas négliger les outils complémentaires comme le « passing off » ou les protections non enregistrées.

Une bonne connaissance de ces règles vous permettra de sécuriser vos créations et d’aborder le marché britannique en toute sérénité. N’hésitez pas à vous faire accompagner par l’INPI : les chargés d’affaires en France ou les conseillers régionaux à l’international sont là pour vous aider à mieux appréhender les outils de PI à votre disposition, mais aussi les bonnes pratiques à avoir pour se développer à l’international.

Cet article s’inscrit dans notre série consacrée à la protection de votre business à l’international. Découvrez également nos bonnes pratiques pour les États-Unisla Chine et l’Allemagne.

 


[2] Arrêt Erven Warnink v. J. Townend & Sons Ltd (1979)

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