Geoffroy Roux de Bézieux, président du jury des Trophées INPI
Geoffroy Roux de Bézieux, président du jury des Trophées INPI

Interview

En quelques mots, pouvez-vous nous parler de votre parcours ?

En réalité, il faut parler d’un double parcours !

Pour commencer, un parcours assez classique d’entrepreneur : j’ai passé dix ans chez L’Oréal, avant de créer une première entreprise de distribution de téléphonie – The Phone House – dans les années 90, au moment où démarrait l’ère des portables. Cette première aventure a été suivie par la création d’un opérateur mobile en 1999, Virgin Mobil France, qui a été revendu à SFR.

J’ai finalement créé Notus Technologies, en 2007. C’est un fonds d’investissement qui investit principalement dans des PME et des start-up, dans les secteurs de l’agroalimentaire et de la tech.

En parallèle, j’ai toujours été très investi dans les mouvements patronaux. J’ai d’abord présidé Croissance Plus (un réseau d’entrepreneurs issus de PME et ETI ; ndlr), avant de devenir vice-président puis président du MEDEF, entre 2018 et 2023.

Vous avez lancé plusieurs entreprises dans des secteurs très concurrentiels. Quand vous développez un nouveau produit ou un service innovant, comment vous assurez-vous de garder une longueur d’avance ?

Dans le secteur des télécoms, quand on œuvre dans la partie amont – c’est-à-dire en tant que fabricant de téléphones, on doit faire face à des problématiques de propriété industrielle où le rôle protecteur des brevets est très important. Mais, dans la partie aval, où je me situais, les innovations ne sont pas techniques à proprement parler : ce sont des innovations de service, liées aux forfaits ou à la manière de facturer, qui ne se protègent pas par le brevet. Ce sont essentiellement les marques qui permettent alors de garder une longueur d’avance.

En tant qu’investisseur (j’ai effectué une centaine d’investissements en dix ans), j’ai été confronté à des secteurs, notamment dans la tech, où les questions de brevet comptent véritablement. C’est le cas notamment du vélo.

Je suis actionnaire d’une société de vélos cargos, Douze Cycles, précurseure dans le concept de vélo biporteur, un type de bicyclette muni à l'avant d'une caisse permettant de transporter des charges ou des passagers. À l’époque, en 2012-2023, Douze Cycles avait conçu un système permettant d’actionner la roue avant située en tête de caisse depuis le guidon : un système technique très perfectionné.

Malheureusement, cela n’a pas été protégé par un brevet et l’innovation a été rapidement copiée, particulièrement en Asie. Cela montre l’importance qu’il faut attacher à la propriété industrielle et plus largement intellectuelle. En l’occurrence, je suis intervenu trop tard !

À l’inverse, dans d’autres secteurs comme l’agroalimentaire, ce ne sont pas les brevets qui sont prégnants : on ne peut pas breveter une recette de cuisine. Par contre, il est possible de protéger ses innovations en utilisant d’autres outils, comme l‘E-Soleau notamment, mais aussi d’autres titres comme les marques ou les dessins et modèles.

Pour conclure, je dirais que la propriété intellectuelle et plus largement industrielle se valorise de façon très différente en fonction des secteurs.

Vous avez accepté de présider le jury 2025 des Trophées INPI. Qu’est-ce que cela représente pour vous ?

De par mes engagements syndicaux, j’ai une certaine notoriété dans le monde des entrepreneurs. C’est donc un bon moyen de mettre en valeur la propriété industrielle.

Cela me paraissait important, car notamment dans les PME, on n’a pas toujours le réflexe de penser à la propriété industrielle pour défendre ses innovations. J’évoquais un sujet sectoriel lié à la propriété industrielle, mais il y a aussi un enjeu plus large.

La propriété industrielle requiert des moyens financiers et des compétences. Certains grands groupes sont bien équipés, mais ce n’est pas toujours le cas des entreprises plus petites.  Cela dit, de manière générale, toutes les entreprises ont des progrès à faire, que ce soit en matière de brevets, de marques ou de dessins et modèles.

Le contexte géopolitique actuel, de guerre économique entre grandes puissances, remet clairement le sujet de la propriété industrielle sur le haut de la pile ! Systématiquement, en tant qu’investisseur, je regarde la manière dont les entreprises dans lesquelles j’investis ou que je développe protègent leurs marques, leurs designs et leurs innovations techniques.

En tant que président du jury des Trophées INPI, qu’est-ce qui vous a marqué dans les démarches des candidats pour protéger et valoriser leurs innovations ?

Les candidats aux Trophées que j’ai pu examiner n’ont pas tous les mêmes caractéristiques. J’ai eu l’occasion d’étudier un panel très intéressant, représentant tous les types de sociétés : des PME aux ETI, tous secteurs confondus. Leur maturité varie également : certaines jeunes entreprises commencent tout juste à élaborer leur stratégie, tandis que d’autres, plus anciennes, l’ont mise en place depuis plusieurs années.

Grâce à la sélection opérée par l’INPI, nous disposons donc d’un échantillon assez représentatif du paysage économique français, qui parle à tout le monde.

Selon vous, quelles sont les conditions pour transformer une simple idée en innovation réussie et durable ?

Il y a des innovations qui naissent dans des grands groupes ; d’autres dans la tête d’une seule personne, à partir d’une simple idée.

Mais la différence entre les réussites et les échecs – car, sur cent idées, seules deux ou trois vont déboucher sur un produit ou une entreprise viable – réside dans la détermination dans l’exécution. On s’aperçoit vite que les entreprises qui réussissent ont une idée qu’elles transforment en innovation, mais qu’elles ont surtout dans leurs rangs quelqu’un de déterminé, qui ne lâche rien. 

Et ce n’est pas toujours celui qui a l’idée de départ, car les obstacles sont nombreux sur la route. Fréquemment, le marché n’est pas là ou pas encore là. Il faut adapter l’idée, la faire évoluer et, très souvent, le produit final n’a plus grand-chose à voir avec ce qui était présenté dans le business plan.

La clé d’une innovation réussie, c’est donc la détermination, mais aussi la résilience de celles et ceux qui la portent. C’est aussi une question d’écosystème : il faut que l’entreprise, les financements, l’éducation, l’État permettent de faire vivre l’idée.

Entre mars 2022 et septembre 2025, vous étiez président de l’Alliance des patronats francophones. Quel lien y a-t-il avec l'Alliance francophone de la propriété intellectuelle qui a vu le jour en 2024 ?

L’Alliance des patronats francophones (APF) est une réponse au Commonwealth. La Francophonie a toujours été orientée vers la culture, la diplomatie, la politique, mais rarement vers les affaires. Elle a été fondée par Léopold Sédar Senghor, président du Sénégal mais également poète, ce qui explique peut-être cette orientation.

En tant que membre du MEDEF, je me suis aperçu qu’il n’existait pas d’association regroupant les patrons francophones. J’ai donc créé l’APF, en 2022, et j’en ai été le premier président. J’ai récemment passé la main à Ahmed Cissé, également président de la Confédération Générale des Entreprises de Côte d’Ivoire.

Le slogan de l’APF est : « prospérer ensemble ». Cela signifie développer des affaires, mener des plaidoyers institutionnels et travailler sur le droit des affaires ; le tout dans l’espace francophone. Notre objectif n°1 est d’augmenter le flux des affaires.

Le français est aujourd’hui la troisième langue des affaires parlée dans le monde, avec 300 millions de locuteurs. Il devrait en atteindre 800 millions en 2100… il y a un énorme potentiel, notamment en Afrique.

Il est donc naturel que l’APF soutienne l’Alliance francophone de la Propriété intellectuelle dès sa création.

Que souhaitez-vous aux finalistes pour la suite de leurs aventures entrepreneuriales ?

J’espère que tout le temps qu’ils ont investi, notamment en termes de propriété intellectuelle, leur sera rendu au centuple dans leurs activités !

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