Interview
Pouvez-vous vous présenter en quelques mots (vous, votre entreprise, votre équipe, vos associés…) ?
Maxime Feyeux : Nous avons fondé TreeFrog Therapeutics avec mon associé, le biophysicien Kevin Alessandri, en 2018. Notre mission est claire : rendre la thérapie cellulaire accessible à des millions de patients, à la fois à travers nos propres programmes thérapeutiques et via des partenariats stratégiques avec d’autres acteurs de la santé.
Après des études en biologie cellulaire à l’École Normale Supérieure et l’obtention d’un doctorat en neurobiologie et neurosciences auprès de l’institut I-Stem, j’ai consacré l’ensemble de ma carrière aux cellules souches pluripotentes[1] et aux thérapies cellulaires.
C’est au cours de mes recherches à Genève que j'ai croisé la route de Kevin Alessandri.
En 2015, nous sommes revenus en France pour établir ensemble un projet supporté par l’université de Bordeaux. C’est ce projet qui a donné naissance au socle technologique de TreeFrog Therapeutics : C-Stem™, une innovation qui permet d’encapsuler les cellules pluripotentes pour les protéger et leur offrir un environnement propice afin qu’elles s’auto-organisent et se multiplient.
Qu’est-ce qui rend votre entreprise innovante ? À quels besoins concrets vos solutions répondent-elles ?
M.F. : La médecine régénérative est une modalité entièrement nouvelle, qui requiert de l’innovation à chaque maillon de la chaîne de valeur. C’est pourquoi TreeFrog est avant tout une deeptech, un agrégateur technologique dont le moteur repose sur l’innovation, à la fois au cœur de son développement scientifique et de son modèle économique.
La thérapie cellulaire porte en elle un potentiel unique : celui de remplacer ou restaurer des cellules perdues, malades ou détruites, afin de stopper la progression d’une maladie, voire d’en guérir définitivement. Elle ouvre ainsi la voie à des traitements durables, avec un impact économique et environnemental réduit, puisqu’elle s’appuie sur le corps du patient comme infrastructure thérapeutique plutôt que sur des infrastructures industrielles lourdes et chroniques.
Des avancées majeures ont été réalisées ces dix dernières années, mais des obstacles demeurent. L’un des plus critiques est la production de quantités suffisantes de cellules : traiter des pathologies exige jusqu’à des milliards de cellules par patient.
Nos technologies actuelles, et celles de prochaine génération sur lesquelles nous travaillons activement, ont précisément pour objectif de surmonter ces limites. Aujourd’hui, chez TreeFrog Therapeutics, nous sommes déjà en mesure de produire les volumes de cellules nécessaires pour certaines maladies comme la maladie de Parkinson.
Votre prise en compte de la propriété industrielle a-t-elle été naturelle ? Quel rôle a joué l’INPI ?
M.F. : Ma première sensibilisation à la propriété intellectuelle remonte à ma formation à l’École Normale Supérieure, lors d’une intervention de l’INPI portant sur les fondamentaux du sujet, en particulier le mécanisme des enveloppes Soleau et le dépôt de marques.
Par la suite, au cours de ma thèse, j’ai été confronté à des enjeux plus concrets. J’ai contribué à des développements qui ont donné lieu à un transfert de savoir-faire dans le cadre d’un contrat de 7,6 millions d’euros. Cela m’a profondément sensibilisé à la valeur créée par une protection rigoureuse et stratégique des innovations.
Depuis la création de TreeFrog, nous entretenons une relation continue avec l’INPI, à travers des formations et diagnostics réguliers. Cela nous permet d’ancrer notre démarche dans une logique d’amélioration continue, essentielle pour une entreprise deeptech opérant sur un marché émergent.
Quel est le plus gros défi auquel vous ayez dû faire face au cours de votre aventure entrepreneuriale ?
M.F. : Le plus grand défi a été de trouver ma juste place au sein de l’entreprise. Pour un fondateur, cela implique une remise en question constante : comment continuer à créer de la valeur dans la structure qu’on a soi-même initiée ?
Ce questionnement est particulièrement aigu dans le domaine de la propriété intellectuelle. J’ai été le fil conducteur de la stratégie de propriété industrielle depuis le début, mais en veillant à intégrer des expertises externes à chaque étape clé du développement de l’entreprise. Même si l’enjeu est ailleurs, certaines phases sont ponctuées de tensions fortes, comme répondre à des observations d’examen, à une opposition, à une échéance de dépôt ou encore à la défense du budget de propriété industrielle comme levier de valorisation.
Le « lâché prise maîtrisé » est aussi un défi : savoir transférer certaines responsabilités à des spécialistes, au bon moment, tout en maintenant un niveau d’implication juste. Il s’agit, in fine, d’éviter de devenir le goulot d’étranglement de quelque processus que ce soit, tout en assurant la continuité, la cohérence et la performance de TreeFrog Therapeutics.
Vous avez obtenu, il y a peu, un financement de 30 millions d’euros de la Banque européenne d’investissement et vous préparez déjà une nouvelle levée de fonds. Pouvez-vous évoquer vos prochains projets ?
M.F. : Depuis les débuts du projet, nous sommes fidèles à notre ambition : révolutionner l’industrie de la thérapie cellulaire et continuer à innover pour conserver une longueur d’avance. Notre priorité est de développer les prochaines générations de la technologie C-Stem™, afin de rendre possible la production de thérapies cellulaires à des échelles toujours plus grandes et de manière efficiente.
Pour toucher le plus grand nombre de patients, nous recherchons activement des partenaires pour co-développer des thérapies cellulaires, ou pour licencier notre technologie, comme nous l’avons fait l’an dernier dans le cadre de notre accord stratégique avec Vertex Pharmaceuticals.
Dans des aires thérapeutiques à fort besoin médical non satisfait, où nous pensons que notre technologie et le format microtissulaire offrent une pertinence biologique unique, nous menons nos propres programmes. Nous avons d’ores et déjà identifié plusieurs indications prioritaires. Grâce à un effort combiné d’investissements internes et de partenariats ciblés, nous construisons les capacités scientifiques, techniques et logistiques nécessaires pour les adresser. Notre portefeuille de propriété industrielle constitue un socle stratégique solide pour soutenir cette ambition.
[1] Une cellule souche pluripotente est une cellule capable de se différencier en n'importe quel type de cellules de l’organisme.
Titre
Données clés (2024)* :
- Année de création : 2018
- Chiffre d’affaires : 22 554 000 €
- Budget R&D : 26 834 000 €
- Budget propriété industrielle : 1 083 875 €
- Principaux pays d’exportation : États-Unis d’Amérique (export de services)
*déclaratif entreprise
Titre
Portefeuille de titres de propriété industrielle (2025)* :
- Nombre de brevets en vigueur détenus par l’entreprise : 34 familles
- Nombre de marques : 15
*déclaratif entreprise
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