La lettre d'information

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Cet article fait partie des contenus envoyés dans la newsletter Coaching INPI. Cette newsletter a pour objectif de vous informer tous les mois sur des sujets de propriété industrielle.

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Mais avec une stratégie de propriété intellectuelle adaptée, vous pouvez limiter considérablement ces menaces et réagir rapidement en cas d’atteinte. Franck Caso, Conseil en propriété industrielle et fondateur du cabinet InConcreto, nous éclaire sur les risques et les actions à mettre en place pour une protection efficace de sa marque en ligne.

Quels sont les principaux risques pour une marque sur Internet ?

Franck Caso : Nous pouvons identifier six grands risques principaux :

  • Le cybersquatting : un tiers enregistre un nom de domaine identique ou proche de votre marque, souvent pour détourner du trafic ou vous le revendre.
    Exemple : une PME agroalimentaire découvre que son nom de marque en .com a déjà été enregistré, alors qu’elle n’avait réservé que le .fr.
  • Le typosquatting : variante du précédent, il exploite des fautes de frappe (ex. : goggle.com ou encore des particularités orthographiques comme guccı.com (avec le i turc sans point)) pour piéger les internautes et les rediriger vers des sites malveillants ou concurrents.
  • Le phishing : création de faux sites imitant le vôtre afin de récupérer des données sensibles.
  • Le spamming : envois de courriels non sollicités avec un nom de domaine similaire.
  • Contrefaçons sur les marketplaces et réseaux sociaux : mise en vente de copies de vos produits sur des plateformes avec un usage frauduleux de votre marque.
  • Usurpation d’identité sur les réseaux sociaux : création de faux comptes imitant votre marque pour tromper ou collecter des données.

Comment prévenir ces attaques ?

F. C. : Une stratégie de protection efficace repose sur l’anticipation. Il est plus simple et moins coûteux d’agir en amont que de réparer les dommages en aval. Voici les bonnes pratiques à mettre en place :

1. Réserver les noms de domaine stratégiques

Il est important de le faire en amont ou en même temps que le dépôt de votre marque et l’immatriculation de votre nom de société.

Lors de la recherche d’antériorité, réalisé avant le dépôt de la marque, il est fortement conseillé de vérifier aussi les noms de domaine disponibles.

Lorsque les noms de domaines sont disponibles, il est vivement recommandé de réserver toutes les extensions stratégiques en vertu de la règle « premier arrivé premier servi ».

Pour une activité commerciale, le .com reste l’extension la plus prisée et le .fr également pour une société française. Pour une association française par exemple, l’extension .org sera recommandée en plus du .fr.

Il faut également être attentif aux nouvelles extensions si elles peuvent avoir un intérêt. Leur coût parfois élevé doit être arbitré avec leur réel impact.

Il est également conseillé de réserver une variante avec tirets si votre marque ou le nom de votre société s’y prêtent (exemple : in-concreto.fr et inconcreto.fr). La variante doit rediriger sur le site actif. En effet, seul un nom de domaine actif est opposable en tant que droit antérieur, la simple réservation ne suffit pas.

La variante peut également être une option si la marque est déjà réservée dans l’extension souhaitée et qu’elle n’est pas problématique (activité différente) ou que son titulaire ne veut pas vous vendre le nom de domaine ou le propose à un prix prohibitif.

Toutefois, il est inutile et impossible de réserver toutes les extensions et variantes possibles. Il vaut mieux cibler les extensions les plus stratégiques et compléter sa stratégie par une surveillance régulière.

2. Mettre en place une surveillance

Une veille active sur les noms de domaine et les marques doit être activée dès le dépôt de la marque et les réservations de noms de domaine correspondant. La veille permet de détecter rapidement les tentatives d'enregistrements frauduleuses ou de cybersquatting et d'agir de façon rapide et proportionnée.

L’INPI propose un service de surveillance, et un Conseil en propriété industrielle (CPI) ou un avocat peut vous aider à analyser les résultats et agir efficacement.

3. Sécuriser votre présence sur les réseaux sociaux

Même si vous ne les exploitez pas immédiatement, réservez le nom de votre marque sur les principales plateformes (LinkedIn, Instagram, TikTok, etc.). Cela évite qu’un tiers le fasse à votre place.

Surveillez également la création de faux comptes et configurez des alertes. Une gestion centralisée vous permettra d’éviter les conflits internes ou les erreurs d’image.

4. Prévoir des clauses contractuelles

Dans vos contrats commerciaux (partenariats, distribution, sous-traitance, etc.), prévoyez des clauses précises de propriété intellectuelle interdisant l’usage non autorisé de la marque, du nom de domaine ou des actifs numériques.

Prévoyez également des clauses de non-concurrence ou de non-usurpation dans les cas sensibles.

Comment réagir en cas d’atteinte à votre marque ou à votre nom de domaine ?

F. C. : Si malgré vos précautions, votre marque ou vos noms de domaine sont utilisés de manière frauduleuse, plusieurs solutions existent :

1. Lettre de mise en demeure

Avant d’engager une action judiciaire, il est souvent préférable de privilégier une solution amiable en adressant une mise en demeure soit directement, soit par l’intermédiaire d’un Conseil en propriété industrielle ou d’un avocat.

Pour être recevable, celle-ci doit :

  • Reposer sur un risque de confusion dans l’esprit du public ;
  • Provenir d’un titulaire légitime (par exemple, le déposant de la marque ou toute personne disposant d’un intérêt reconnu à agir) ;
  • Être formulée de bonne foi.

La lettre doit exposer de manière claire les droits invoqués, les faits constitutifs de l’atteinte et la demande formulée, qu’il s’agisse du retrait d’un contenu, du transfert d’un nom de domaine ou de la cessation d’un usage litigieux.

2. En cas de cybersquatting / typosquatting

Depuis l’entrée en vigueur du RGPD, les informations relatives aux titulaires de noms de domaine sont souvent anonymisées. Dans ce contexte, il est d’abord nécessaire de solliciter le registrar afin d’obtenir une levée de l’anonymat.

Si cette démarche reste infructueuse, une procédure UDRP ou SYRELI demeure envisageable, mais il sera alors indispensable de présenter des éléments de preuve plus solides pour étayer la demande. Un mandataire professionnel, Conseil en propriété industrielle ou un avocat permettra de préparer et de gérer la procédure.

Procédure internationale : UDRP (Uniform Domain Name Dispute Resolution Policy)

La procédure UDRP, gérée par l’OMPI, s’applique aux noms de domaine génériques tels que .com, .net ou .org.

Extrajudiciaire et exclusivement écrite, elle présente un coût modéré et permet d’obtenir une décision en deux à trois mois en moyenne.

Il faudra prouver que le nom de domaine en cause est identique ou similaire à la marque, que son titulaire ne dispose d’aucun droit ni intérêt légitime sur ce signe, et qu’il l’a enregistré ou utilisé de mauvaise foi.

Cela implique notamment :

  • De démontrer le risque de confusion avec la marque ;
  • De vérifier que l’activité présentée sur le site est identique ou similaire aux services désignés par la marque ou qu’il y a manifestement une intention frauduleuse et une mauvaise foi. Cela peut être démontré en cas par exemple de coordonnées inexactes ou fantaisiste après obtention dans la procédure de la levée de l’anonymat du réservataire du nom contesté ou encore en cas d’offre déraisonnable de vente du nom.

Procédure nationale française : SYRELI

Pour les noms de domaine en .fr, l’AFNIC propose une procédure SYRELI simple, entièrement dématérialisée, qui permet d’obtenir en moyenne en deux mois la suppression ou le rachat ou le transfert du domaine litigieux.

3. En cas de contrefaçon

En cas de contrefaçon, qu’il s’agisse de produits ou d’un usage illicite de la marque, l’action doit être portée devant le tribunal judiciaire compétent.

La procédure dure généralement entre douze et vingt-quatre mois pour obtenir une décision en première instance, mais il est possible de solliciter dès le début des mesures conservatoires.

Celles-ci peuvent prendre la forme d’une saisie-contrefaçon, du retrait des produits litigieux ou encore d’une interdiction provisoire d’exploitation, afin de limiter immédiatement les effets préjudiciables de l’atteinte.

4. En cas d’atteinte sur une plateforme (marketplaces ou réseaux sociaux)

Signalement via formulaire

Les principaux sites, comme Amazon avec le Brand Registry, AliExpress avec une plateforme dédiée à la protection des droits de PI ou encore Meta via ses outils de protection des droits, proposent des formulaires dédiés permettant de demander un examen et de signaler une atteinte, et de solliciter le retrait de produits ou la suppression de comptes frauduleux.

Pour que la demande aboutisse, il est nécessaire d’apporter la preuve des droits détenus, de transmettre les liens et captures d’écran des contenus litigieux et de démontrer l’existence d’une confusion ou d’une atteinte à la marque.

Le délai de traitement varie généralement de vingt-quatre heures à une quinzaine de jours, selon la réactivité de la plateforme et la clarté du dossier présenté.

Procédure de takedown

La procédure dite de takedown, fondée sur la législation applicable aux hébergeurs, permet de tenter d’obtenir rapidement le retrait d’un contenu illicite auprès d’une plateforme ou d’un hébergeur, sans avoir à saisir le juge.

Elle repose notamment sur les principes posés par la loi pour la confiance dans l’économie numérique (LCEN) en France et le Digital Services Act au niveau européen. Pour qu’une demande soit recevable, il convient de produire la preuve de la propriété de la marque, de décrire précisément l’atteinte constatée, d’indiquer le lien exact du contenu visé.

Cette procédure, qui peut être menée seule ou en parallèle d’une mise en demeure ou d’une action judiciaire, s’avère particulièrement efficace pour limiter rapidement la diffusion d’un contenu litigieux.

L’affaire « MetaBirkin », jugée en 2023, en constitue une illustration parlante : une marque de luxe avait été détournée sous forme de NFT, et l’action engagée a conduit à une condamnation pour contrefaçon et cybersquatting assortie de 133 000 dollars de dommages intérêts. Ce cas montre à quel point il est essentiel d’agir dans ces nouveaux environnements numériques tels que les NFT ou le métavers.

Bonnes pratiques : la check-list anti-atteinte en ligne

 

Action

Quand ?

Délai / fréquence

Réserver les noms de domaineLors du dépôt de la marque et en amont de la communication sur cette marqueInstantané
Réserver les noms sur les réseaux sociauxDès la création de la marqueImmédiat
Mettre en place une surveillance de marque et de nom de domaineDès le dépôt et en continueHebdomadaire 
Envoyer une mise en demeureDès l’atteinte constatée1 à 2 semaines
Procédure de takedown ou signalement plateformeDès détection1 à 15 jours selon la plateforme
Procédure UDRP / SYRELI / levée de l’anonymatDès détection2 à 3 mois
Action judiciaireEn dernier recours1 à 2 ans

Dans un environnement numérique en constante évolution, protéger sa marque en ligne est un enjeu essentiel. En combinant anticipation, veille active et réactivité, vous transformez votre propriété intellectuelle en véritable levier de confiance, de croissance et de réputation pour votre entreprise. 

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Visionnez notre webinaire sur la protection de sa marque en ligne !

Contenu

Nous avons organisé un webinaire "Entrepreneurs : protégez votre marque en ligne", animé par Marie Millet, chargée d’affaires et juriste à l’INPI, et Alexandra Pearson, Senior Counsel Intellectual Property chez Ledger. Découvrez le replay de ce webinaire et complétez votre stratégie de protection de marque en ligne !

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