Vergnet Hydro : vers un modèle durable d’accès à l’eau potable
Depuis plus de 40 ans, le nom Vergnet est une référence des systèmes de pompes à eau manuelles et des réseaux d’alimentation en eau potable en milieu rural. Forte de son expérience et de son implantation locale, particulièrement en Afrique, l’entreprise orléanaise Vergnet Hydro, rattachée maintenant au groupe Odial Solutions, parie sur un modèle durable d’accès à l’eau potable fondé notamment sur un système innovant de capteurs connectés.
C’est un des paradoxes africains : le continent regorge d’eau, mais près de 330 millions d’habitants de l’Afrique subsaharienne n’ont pas accès à l’eau potable (rapport de 2015 de l’OMS et de l’UNICEF). En effet, si le continent comptabilise 660 000 kilomètres cubes de réserves d’eau souterraine, elle est en moyenne située à plus de cinquante mètres de profondeur ce qui rend son extraction technique et coûteuse. Les zones rurales sont encore plus touchées. Depuis 1974, Vergnet Hydro fabrique et assemble des pompes destinées aux régions rurales isolées, plus particulièrement en Afrique. La technologie, inventée par Marc Vergnet il y a plus de quarante ans, et commercialisée par Vergnet Hydro, se distingue de celle de ses concurrents par un cœur en caoutchouc dont les pulsations remontent l’eau à la surface. Contrairement aux autres modèles du marché, constitués d’un système de transmission à tringle métallique, les pompes Vergnet Hydro sont plus légères, plus faciles d’installation et se montrent surtout plus résistantes à la corrosion et à l’épreuve des années. Aujourd’hui, elles équipent 100 000 points d’eau partout dans le monde et alimentent environ 50 millions de personnes.
De systèmes d’accès à l’eau potable qui ont fait leur preuve...
Depuis 2014, l’entreprise, sortie du groupe Vergnet désormais dédié aux énergies renouvelables, est rattachée à Odial Solutions : une holding spécialisée dans les solutions d’accès durable aux services essentiels dans les régions rurales isolées. Thierry Barbotte, ingénieur géologue de formation, préside le groupe et dirige la société Vergnet Hydro. Celle-ci intervient dans des zones où les sources d’énergie sont souvent inexistantes. Ainsi, dans les plus petits villages, elle installe ses fameuses pompes à motricité humaine. « Après 40 ans, leur technologie reste très innovante. Le système n’a quasiment pas changé, mais les pompes évoluent régulièrement en fonction des nouveaux matériaux disponibles », commente Thierry Barbotte. Dans les villages plus importants (entre 1 500 et 3 000 habitants) — qui nécessitent donc des systèmes plus sophistiqués avec un château d’eau alimentant différents points d’eau — Vergnet Hydro installe un réseau alimenté par des pompes électriques ou solaires. Dans tous les cas, l’entreprise achète puis assemble dans ses locaux en France les composants nécessaires aux différents systèmes. Pour leur installation, elle fait intervenir ses filiales (au Burkina Faso et en Côte d’Ivoire) ou bien des partenaires locaux. Les pompes Vergnet Hydro sont ainsi présentes dans 35 pays d’Afrique de l’Ouest, centrale et australe.

… à une offre de service connecté
Si sa réputation n’est plus à faire, Vergnet Hydro reste très dépendante des appels d’offres internationaux des gouvernements qui bénéficient en général eux-mêmes de dotations d’organismes internationaux (Banque Mondiale, Banque Africaine de Développement, ONU, etc.). C’est la raison pour laquelle Thierry Barbotte mise aujourd’hui sur une offre complémentaire de service, développée par Uduma, l’autre société du groupe Odial. L’idée est née d’un constat simple : il faut parfois plusieurs semaines pour réparer la panne d’un système de pompes, le temps que le village entier organise une collecte pour financer les réparations. Misant sur un fonctionnement plus durable, Vergnet Hydro a récemment mis au point un système innovant de mesure de la consommation d’eau sur ses pompes grâce à l’installation d’un compteur et de capteurs connectés. Ils sont reliés à un boîtier électronique de récupération de l’information qui peut être consultée sur un smartphone. « En cas de panne, l’information remonte immédiatement à nos services ou à nos entreprises partenaires et la réparation intervient dans les 72 heures. La facturation de ce service est établie en fonction de la consommation réelle et d’un prix fixé au mètre cube. « Si les gens constatent l’efficacité d’un service, ils sont bien moins réticents à le payer. À nous de les convaincre que ça ne leur coûtera pas beaucoup plus cher qu’avant pour un meilleur service. Avec les municipalités, nous négocions des tarifs raisonnables pour tous. Ni trop élevés, car les habitants doivent être en mesure de payer, ni trop bas, car ils ne peuvent être inférieurs au coût réel. Sans profit, pas de durabilité. »
Vers un modèle économique durable
Pour le groupe orléanais qui comptabilise une petite trentaine de salariés en France et une douzaine dans ses filiales africaines, il est difficile de réaliser des marges importantes sur la partie servicielle de son activité. « Mais nous comptons sur la qualité de notre offre globale pour vendre plus de pompes sur lesquelles nous avons là des marges plus classiques », détaille Thierry Barbotte. Il vise un marché de 20 à 30 000 pompes, loin d’une situation de monopole qu’on reproche parfois à l’entreprise d’essayer de créer : « Il existe un million de pompes en Afrique, il y a largement la place pour d’autres acteurs ! ». Surtout, le dirigeant est persuadé que ce modèle économique pourrait trouver bien d’autres applications que l’hydraulique. « Seulement, il faut avoir le courage de miser sur l’Afrique rurale », conclut-il.