Sunna design : que la lumière soit !

Commercer, circuler, rentrer de l’école, faire des courses, se rendre à la maternité ou à l’hôpital : toutes ces activités deviennent plus complexes à la tombée de la nuit lorsqu’il n’existe pas d’éclairage public. En Afrique par exemple, 600 millions de personnes dépensent jusqu’à 30 % de leurs revenus pour acheter des piles, des bougies, ou du kérosène servant à alimenter des lampes tempête. Des solutions de lampadaires solaires autonomes existent, mais elles se révèlent souvent peu fiables et moyennement adaptées aux températures élevées ou à une forte pluviométrie. C’est le constat qu’établit Thomas Samuel, ingénieur de formation, lors d’un séjour en Inde en 2010 effectué comme volontaire pour une ONG. Il décide alors de créer une société sur place, avant de la rapatrier un an plus tard en France avec la volonté de pallier ces défauts technologiques. « Il nous fallait concevoir un produit différenciant par rapport à ce qui existait déjà sur le marché », raconte-t-il.
Au détour d’une conférence, il discute du sujet avec un chercheur du CEA (Commissariat à l’énergie atomique et aux énergies alternatives). L’intérêt est mutuel ; la toute jeune société lance alors un programme de recherche commun avec l’organisme en bénéficiant de l’aide de la région Aquitaine et de Bpifrance. L’objectif est de mettre au point des batteries qui durent longtemps et résistent à des conditions extrêmes. « Nous avons décidé d’utiliser une technologie particulière liée au nickel, et avons conçu des algorithmes de charge adaptés au solaire », explique Thomas Samuel. Un premier brevet est déposé par Sunna Design, puis un deuxième en copropriété avec le CEA : la société est lancée.
Premiers pas vers l’accès à l’énergie
Une gamme de lampadaires baptisés iSSL est lancée. Elle intègre des panneaux solaires, la fameuse batterie innovante, une carte électronique intelligente et connectée ainsi qu’un module LED haute performance. La solution simple d’utilisation, modulable, et surtout résistante remporte rapidement un franc succès. Sunna Design décline d’autres formules de lampadaires en fonction des besoins des pays. « L’analyse et la perception de ces besoins constituent notre source principale d’inspiration pour innover », témoigne Thomas Samuel.
D’ailleurs, la jeune société ne s’arrête pas là. Constatant sur le terrain les effets du manque d’éclairage privé, elle met au point une solution baptisée Nanogrid : un lampadaire solaire auquel sont raccordés jusqu’à quatre foyers. Ceux-ci sont pourvus d’une « Sunna Box » qui permet non seulement de disposer de cette source d’éclairage, mais aussi de pouvoir recharger des smartphones grâce à un port USB intégré. Un premier pas vers un accès plus généralisé à l’énergie. Pour payer ce service, les utilisateurs se servent d’un dispositif très répandu en Afrique, le « Pay as you go » : ils achètent des cartes prépayées pour leur téléphone comportant une semaine, un mois ou six mois de crédit d’énergie. Encore une fois, l’idée séduit. Entre ces Nanogrid et les lampadaires, ce sont bientôt près de 12 000 produits Sunna qui sont installés dans le monde, en grande partie sur le continent africain.

Une usine du futur en France
Parallèlement, la société se développe en France. Pour réfléchir à la conception de ces nouveaux produits, tout un département est dédié à la recherche et au développement ; depuis la création, dix millions d’euros ont été investis en R&D. Les liens historiques avec les partenaires tels que le CEA ont été renforcés. Enfin, en juillet 2016, une usine a été inaugurée au siège de l’entreprise, à Blanquefort, avec une capacité de production allant jusqu’à 100 000 unités par an. Elle a reçu le label « usine du futur », qui reconnaît le caractère innovant et technologique de l’entreprise et lui offre une vitrine en matière de communication.
Fidèle à la stratégie d’origine, Sunna Design continue à soigneusement protéger ses innovations. « Aujourd’hui, notre portefeuille compte 14 brevets » souligne Thomas Samuel. Ces titres portent aussi bien sur l’amélioration de la performance de la batterie que sur la manière dont un smartphone peut piloter la consommation d’énergie. L’entreprise a également racheté un bureau d’études, une autre manière d’acquérir de la propriété intellectuelle. « Il est intéressant de mixer les sources en matière de propriété intellectuelle, cela rend plus robuste notre portefeuille » poursuit le fondateur.
Inclusion énergétique, digitale et financière
Avec un chiffre d’affaires de 4,5 millions d’euros, la PME de 45 personnes a consolidé une position de leader sur l’éclairage public solaire. Toute l’entreprise est aujourd’hui mobilisée sur un nouveau projet baptisé « Moon ». Il consiste en une solution tout-en-un comportant une Moonbox composée de panneaux solaires permettant de charger jusqu’à trois lampes et intégrant des ports USB, ainsi qu’un téléphone à consommation basse d’énergie sur lequel des applications dédiées et simples sont préinstallées. Travailler en soirée, faire ses devoirs, recevoir des notifications sur les conditions météorologiques, découvrir des conseils de gestion, opérer des transactions bancaires, sont autant d’opportunités offertes par ce nouveau service. « L’inclusion énergétique, digitale, financière permet de sortir du cercle de pauvreté », explique Thomas Samuel. En matière de financement, Sunna Design privilégie le crowdlending (sur la plateforme Solylend), un système d’emprunt auprès de particuliers qui permet à tout le monde de participer en donnant du sens à son épargne. 100 000 euros ont ainsi été rapidement récoltés pour faire décoller « Moon ». Sunna Design peut continuer de croire en sa bonne étoile.