La radioprotection par Lemer Pax

En 2012, Lemer Pax recevait le Trophée INPI de l’innovation dans la catégorie brevet. Installée à côté de Nantes et dans la banlieue parisienne, avec un bureau à Tokyo, cette PME conçoit et réalise des matériels de radioprotection destinés à l’univers médical, à la recherche, l’industrie et la protection nucléaire. Depuis cinq ans, l’entreprise connaît une forte croissance, élargit sa politique d’innovation collaborative, et se développe en France et à l’international. Interview de son PDG, Pierre-Marie Lemer.

> En 2012, les Trophées INPI récompensaient votre stratégie d'innovation illustrée par un portefeuille comptant 66 brevets et 25 marques. Où en êtes-vous aujourd'hui ?

Pierre-Marie Lemer : Nous avons continué à miser sur l’innovation, véritable ADN de notre entreprise, mais avec un accent sur l’innovation collaborative, à travers deux axes principaux : d’une part, la volonté de mettre nos clients encore davantage au cœur de nos préoccupations ; et d’autre part, des associations approfondies et fructueuses avec des experts académiques. Ainsi notre équipe R&D se déplace désormais systématiquement dans les hôpitaux et les cliniques pour obtenir des remontées d’utilisateurs sur les produits. Nous nous apprêtons par exemple à lancer la nouvelle version de Posijet, notre injecteur de radiotraceurs (un dispositif qui permet de fractionner, mesurer et injecter une dose de radiopharmaceutique haute énergie à un patient, NDLR) après avoir intégré toutes les remarques des utilisateurs. De même, les experts académiques interviennent beaucoup plus en amont du développement des produits qu’auparavant. Nous devrions ainsi lancer cette année le Cathpax AIR. Cette cabine de radioprotection pour la cardiologie a été élaborée en partenariat avec les professeurs David Keane de l’hôpital St Vincent de Dublin et Patrice Guérin du CHU de Nantes. Autre exemple, l’Epijet, un injecteur de radiotraceur qui permet de déterminer chez le patient atteint d’épilepsie la zone du cerveau à l’origine de la crise, et qui est le fruit d’une collaboration de trois années avec le professeur Setoain de l’Hospital Clinic Barcelona. Plus globalement, notre croissance s’élève à 15-20 % par an.

> Comment protégez-vous les produits issus de cette innovation collaborative ?

P-M. L. : Nous avons toujours accordé beaucoup d’attention à la propriété industrielle. J’ai encore dans nos bureaux les documents de titres détenus par mon arrière-arrière-grand-père en 1872 ! En règle générale, les professeurs associés à nos travaux sont co-inventeurs des brevets déposés. Lorsqu’ils appartiennent à des instituts ou à des laboratoires, ceux-ci touchent un système de royalties sur les ventes des produits issus de recherches communes. Aujourd’hui, nous sommes clairement identifiés comme acteurs de ce secteur. Les partenaires potentiels viennent vers nous. Notre portefeuille compte 70 brevets, et nous avons bien l’intention de continuer à en déposer régulièrement. C’est la garantie du « Inventé en France », et cela rassure nos distributeurs.

> En 2012, Lemer Pax réalisait 21 % de son chiffre d'affaires à l'export. Le développement international est-il toujours un axe stratégique pour vous ?

P-M. L. : Aujourd’hui, cette part s’élève à 40 %. Nous nous développons en Pologne, en Argentine, en Corée du Sud, au Moyen-Orient. Nous venons d’ouvrir un bureau à Tokyo. Mais ce n’est pas suffisant. D’ici 2022, je souhaite que Lemer Pax réalise 80 % de son chiffre d’affaires à l’international. Comme le développement de nos produits est long et coûteux, le marché français ne peut être le seul à le porter. Le brevet est donc l’un de nos meilleurs arguments à l’export.

> Quels sont vos grands projets de développement pour les années à suivre ?

P-M. L. : En termes de produits, nous travaillons avec Areva Med pour la mise au point de générateurs de nouveaux traceurs radioactifs qui pourraient être utilisés dans les traitements contre le cancer. Avec le CEA Tech, nous sommes en phase de préindustrialisation pour des matériaux de radioprotection composites incluant des nanoparticules chevelues. Si le marché réagit bien à ce produit, cela implique la construction d’une usine et le recrutement de compétences d’experts. Autre projet phare : un scaphandre ventilé et radioprotégé élaboré avec la société Matisec (spécialisée dans la production de scaphandres destinés aux pompiers et aux militaires). Enfin, nous avons signé un partenariat avec la société Courrèges pour créer une ligne de vêtements de radioprotection. Les dessins ont été réalisés, les premiers prototypes devraient être terminés prochainement pour une mise sur le marché en 2018. Pour mener à bien toutes ces innovations, nous venons de nous agrandir et de déménager dans un bâtiment original et écologique dont l’aménagement intérieur a été entièrement réalisé par les salariés. Nous sommes aujourd’hui 65 personnes à Nantes et 15 à Paris.